En plus de la composition corporelle, la bioimpédancemétrie permet d’obtenir des valeurs bioélectriques brutes dont font partie l’angle de phase et le ratio d’impédance qui sont très utiles dans la pratique courante des professionnels de santé.
L’angle de phase (PhA) est une valeur bioélectrique brute mesurée par les dispositifs de bioimpédancemétrie de deux façons :
Figure 1 : Détermination de l’angle de phase par une mesure directe (A) ou à partir de la résistance et de la réactance (B)
La résistance R est dépendante de l’état d’hydratation des tissus alors que la réactance Xc est reliée à l’intégrité de la membrane cellulaire, et ces deux paramètres forment l’impédance Z. Par conséquent, la valeur du PhA sera dépendante de processus physiologiques et pathologiques pouvant modifier l’état d’hydratation et/ou l’intégrité de la membrane cellulaire (1). Plus précisément, chez un individu, un taux d’hydratation important sera associé à une diminution de la résistance et une réactance élevée correspond à une excellente intégrité membranaire, ce qui sera représenté par un PhA élevé. A l’inverse, lorsque le taux d’hydratation diminue et/ou lorsque l’intégrité cellulaire est altérée, le PhA diminue et peut atteindre des valeurs critiques notamment dans des pathologies chroniques.
Ainsi, une inflammation, une pathologie chronique, une dénutrition ou un mode de vie déséquilibré peuvent altérer les propriétés électriques des tissus et, par conséquent, provoquer une diminution de l’angle de phase (2). Au contraire, un PhA plus élevé suggère une masse cellulaire corporelle élevée comprenant une grande quantité de membranes cellulaires intactes, ce qui est associé à un excellent état de santé (3).
D’un point de vue physiologique, le PhA est dépendant du sexe, de l'âge, de l'indice de masse corporelle, de l'état nutritionnel et de la présence d'entités pathologiques influençant l'hydratation, la nutrition ou la conformation des tissus (1). Par exemple :
De plus, le PhA peut être utilisé comme biomarqueur pronostique de la composition corporelle chez les adultes sains (4) et de risques cardiovasculaires dans plusieurs populations (5–7). Il est également utilisé comme biomarqueur pronostique de survie dans de nombreuses pathologies chroniques :
Chez les sujets sains et sportifs, il a également été utilisé comme biomarqueur pronostique de la masse cellulaire corporelle (28), comme indicateur de puissance (34) et de force musculaire (35), pour évaluer la composition corporelle d'athlètes adolescents (36) ou encore pour mesurer la performance sportive (37).
En conclusion, le PhA est une valeur d’intérêt pour contrôler l’état de santé général des personnes au cours du temps, qu’elles soient saines ou atteintes d’une pathologie cependant, il reste nécessaire de connaître ses valeurs de référence. A partir des données de populations publiées par Bosy-Westphal et al. (38), il est possible d’obtenir ces valeurs regroupées dans les tableaux ci-dessous :
Hommes
IMC 18,5-25 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 6,05 | 6,05 - 6,86 | 6,86 - 8,30 |
30-59 ans | 5,73 | 5,37 - 6,63 | 6,63 - 8,03 |
≥ 60 ans | 4,30 | 4,30 - 5,53 | 5,53 - 7,17 |
IMC 25-30 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 6,32 | 6,32 - 7,08 | 7,08 - 8,48 |
30-59 ans | 5,94 | 5,94 - 6,92 | 6,92 - 8,30 |
≥ 60 ans | 4,77 | 4,77 - 5,86 | 5,86 - 7,36 |
IMC >30 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 6,07 | 6,07 - 7,01 | 7,01 - 8,43 |
30-59 ans | 6,19 | 6,19 - 6,91 | 6,91 - 8,35 |
≥ 60 ans | 4,82 | 4,82 - 5,87 | 5,87 - 7,39 |
Femmes
IMC 18,5-25 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 4,73 | 4,73 - 5,80 | 5,80 - 7,16 |
30-59 ans | 5,14 | 5,14 - 5,96 | 5,96 - 7,30 |
≥ 60 ans | 4,23 | 4,23 - 5,28 | 5,28 - 6,84 |
IMC 25-30 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 5,33 | 5,33 - 6,03 | 6,03 - 7,39 |
30-59 ans | 5,29 | 5,29 - 6,12 | 6,12 - 7,46 |
≥ 60 ans | 4,47 | 4,47 - 5,43 | 5,43 - 6,87 |
IMC >30 | Limites inférieures | Etat de vulnérabilité | Valeurs normales |
---|---|---|---|
18-29 ans | 5,41 | 5,41 - 6,12 | 6,12 - 7,48 |
30-59 ans | 5,45 | 5,45 - 6,21 | 6,21 - 7,55 |
≥ 60 ans | 4,51 | 4,51 - 5,45 | 5,45 - 6,91 |
Le ratio d’impédance se définit comme le rapport entre l’impédance mesurée à 200 kHz (Z200) sur celle mesurée à 5 kHz (Z5). Le choix de ces fréquences a été fait en fonction des particularités de la membrane cellulaire. En effet, les courants dont la fréquence est inférieure à 7 kHz n’est pas capable de traverser la membrane cellulaire et donc de pénétrer dans l’espace intracellulaire, ainsi ces courants ne sont sensibles qu’à la composition du compartiment extracellulaire. A l’inverse, à 200 kHz, le courant est capable de traverser la membrane cellulaire et il sera donc sensible à la composition de l’ensemble du corps.
Figure 2 : Schéma représentant la propagation du courant en fonction de leur fréquence au sein de l’espace cellulaire (Extrait de Moonen et al. 2021, DOI : 10.1097/MCC.0000000000000840)
Cette particularité fait que le ratio d’impédance est sensible à la répartition de l’eau entre les espaces intra- et extracellulaires, particulièrement aux déséquilibres liés à l’inflammation. En effet, cette dernière est associée à une dégradation de la membrane cellulaire qui provoque un transfert de l’eau intracellulaire vers l’espace interstitielle, ce qui va modifier les impédance à 200 et 5 kHz. Plus précisément, la cellule étant moins hydratée, l’impédance à 200 kHz augmentera alors que l’espace extracellulaire étant plus hydraté, l’impédance à 5 kHz diminuera. Mathématiquement, le ratio d’impédance sera donc plus élevé lorsque l’individu sera dans un état inflammatoire, ce qui a été vérifié par la corrélation positive entre ce paramètre et la CRP, un biomarqueur de l’inflammation (39).
Actuellement, il n’existe pas de valeurs de références publiées pour ce paramètre dans la littérature scientifique, cependant de façon empirique, il semble qu’au-dessus de 0,80 pour les hommes et de 0,82 pour les femmes, il y ait un état inflammatoire de bas grade chez l’individu. Si cet état inflammatoire s’aggrave, le ratio d’impédance augmentera alors qu’à l’inverse, une résorption de l’inflammation sera responsable d’une diminution du ratio d’impédance. Généralement, les valeurs normales sont :
Il est intéressant de noter qu’il existe une relation inverse importante entre l’angle de phase et le ratio d’impédance, par conséquent lorsqu’un individu est en bonne santé, son angle de phase sera élevé et son ratio d’impédance bas. Lorsque son état de santé se dégrade, la valeur de l’angle de phase va diminuer et celle du ratio d’impédance augmenter, dont la cause est généralement une augmentation du stress oxydant et de l’inflammation. A l’inverse, lorsque son état de santé va s’améliorer, les valeurs de l’angle de phase et du ratio d’impédance reviendront à leur valeur normale. Ils constituent donc deux paramètres d’intérêts pour le suivi de l’état de santé des individus.
L’angle de phase et le ratio d’impédance sont deux valeurs brutes de bioimpédancemétrie reliées à l’intégrité de la membrane et à l’état inflammatoire, respectivement. Ils ont donc comme principal intérêt de pouvoir suivre l’état de santé général des individus de manière rapide, économique et non invasif, à la fois en prévention ou lors de la prise en charge de pathologies chroniques mais aussi chez des sportifs au cours de l’entraînement.