En France, en 2020, il était estimé que 5,3% de la population française, soit 3,5 millions de personnes, était traitée pour un diabète, dont 90% pour un diabète de type 2, un chiffre en constante augmentation depuis 2012. Le diabète se caractérise par une altération du métabolisme du glucose et d’une des hormones responsables de sa régulation, l’insuline, et il peut être de deux types : le diabète de type 1 ou de type 2 (1). Dans les deux cas, cela résulte en un état d’hyperglycémie chronique dont les conséquences pour l’organisme sont nombreuses et potentiellement graves (1)
Le diabète de type 1 est maladie auto-immune causée par une absence de production d’insuline par le pancréas dont l’origine est la destruction des cellules sécrétrices de cette hormone. Ce diabète apparaît souvent chez l’individu jeune et l’absence d’insuline peut être facilement compensée par un apport exogène à l’aide d’une pompe ou d’injections, par exemple. Le diabète de type 2, quant à lui, est provoquée par une résistance des différents organes à l’action de l’insuline, appelée également insulinorésistance, qui est la conséquence d’un mode de vie déséquilibré associé à des prédispositions génétiques. Contrairement au diabète de type 1, sa prise en charge est plus complexe et nécessite à la fois une prise en charge médicamenteuse et sur le mode de vie. De plus, le diabète de type 2 se développant progressivement, il est possible de se retrouver dans un état de prédiabète qui est caractérisé par une insulinorésistance sans les conséquences cliniques associées au diabète de type 2.
Comme évoqué précédemment, les causes du diabète de type 2 sont multiples et combinent prédispositions génétiques et facteurs environnementaux dont une alimentation déséquilibrée, caractérisée par une abondance de glucides simples et de lipides, souvent associée à une sédentarité et une inactivité physique particulièrement élevée (1). Ainsi, même si l’on possède ces prédispositions génétiques, avoir une alimentation équilibrée associée à une activité physique régulière ne résultera pas en l’apparition d’un diabète de type 2. De plus, l’insulinorésistance présente dans le prédiabète est réversible par des modifications du mode de vie permettant d’éviter cette pathologie sans prise de médicaments. En effet, l’exercice physique a de nombreux bénéfices sur la régulation de la glycémie (2) qui peuvent être associées à des habitudes nutritionnelles évitant des apports trop élevés en glucides et en lipides (3).
Dans ce contexte, il semble donc extrêmement pertinent de pouvoir détecter facilement l’insulinorésistance de façon non invasive car aujourd’hui il n’est possible de vérifier sa présence uniquement avec un bilan sanguin. Cela limite donc une détection précoce particulièrement chez des individus qui paraissent en bon santé à qui des bilans sanguins ne sont pas ou peu prescrits.
Depuis quelques années, la bioimpédancemétrie est un outil de plus en plus utilisé pour le suivi de la composition corporelle des personnes car elle permet une évaluation rapide, non invasive et peu couteuse, comparée à d’autres techniques utilisées dans le cadre hospitalier. En plus de cette composition, elle permet également d’obtenir des données brutes reliées à l’hydratation et à l’intégrité de la membrane des cellules dont la plus utilisée actuellement est l’angle de phase. En effet, il a été montré que ce paramètre est, entre autres, relié à l’état de santé général des individus ou à leur risque de développer des pathologies chroniques (4), ce qui en fait un outil puissant pour le suivi des individus. Si l’on utilise des dispositifs multifréquences, il est également possible d’obtenir le ratio d’impédance qui est relié au niveau d’inflammation globale (5).
Parmi ces données, la capacitance est une donnée obtenue à partir d’une mesure faite par un dispositif de spectroscopie et qui est un marqueur indirect de l’état de la membrane cellulaire et de sa capacité à échanger avec son milieu (6). Dans cette étude menée par Garr-Barry et al. (6), la capacitance était également dépendante du score HOMA, qui est utilisée pour la détection de l’insulinorésistance. De plus, une étude menée par ces mêmes chercheurs a montré que des patients en insulinorésistance présentaient des capacitances significativement plus élevées que des sujets sans insulinorésistance (7). Dans leur article, ces chercheurs ont même proposé des seuils de détection pour l’insulinorésistance (> 1,65 nF pour les femmes et > à 2,67 nF pour les hommes).
Récemment, une étude préliminaire prospective observationnelle réalisée par Aminogram et le Dr Nadir Griène, diabétologue à Alger, sur 12 personnes (6 hommes et 6 femmes) atteintes de diabète de type 2 a permis d’obtenir des résultats encourageants sur les liens entre insulinorésistance et capacitance. L’ensemble de ces patients possédaient une capacitance supérieure aux seuils proposés ainsi que des valeurs de l’indice HOMA et d’hémoglobine glyquée, utilisés classiquement pour le suivi du diabète de type 2, caractéristiques de cette pathologie. De plus, à la suite d’une prise en charge incluant des insulino-sensibilisateurs, des modifications nutritionnels ainsi qu’une augmentation de l’activité physique, l’indice HOMA et l’hémoglobine glyquée ont atteint des valeurs indiquant que le diabète des patients était contrôlé. De façon intéressante, la capacitance des patients a diminué pour repasser sous les seuils de 1,65 nF pour les femmes et de 2,67 nF pour les hommes. Ces résultats prometteurs, bien que préliminaires, confirment les liens entre capacitance et insulinorésistance et ouvrent sur de futures études sur ce sujet.
Bien que ces résultats doivent être confirmés par des études futures, ils suggèrent fortement que la capacitance puisse être utilisée pour la détection et le suivi de l’insulinorésistance de façon rapide et non-invasive. Dans le contexte actuel de progression constante du diabète de type 2, cela permettrait de contrer son développement par une prise en charge précoce par une modification du mode de vie via l’activité physique et la nutrition.
Références
- Galicia-Garcia U, Benito-Vicente A, Jebari S, Larrea-Sebal A, Siddiqi H, Uribe KB, et al. Pathophysiology of Type 2 Diabetes Mellitus. International Journal of Molecular Sciences. 30 août 2020;21(17):6275.
- Mul JD, Stanford KI, Hirshman MF, Goodyear LJ. Exercise and Regulation of Carbohydrate Metabolism. Prog Mol Biol Transl Sci. 2015;135:17‑37.
- Forouhi NG. Embracing complexity: making sense of diet, nutrition, obesity and type 2 diabetes. Diabetologia. 14 févr 2023;66(5):786.
- Bellido D, García-García C, Talluri A, Lukaski HC, García-Almeida JM. Future lines of research on phase angle: Strengths and limitations. Rev Endocr Metab Disord. 12 avr 2023;1‑21.
- Tapasco-Tapasco LO, Gonzalez-Correa CA, Letourneur A. Phase angle and impedance ratio as meta-inflammation biomarkers after a colon cleansing protocol in a group of overweight young women. Physiol Meas. mai 2024;45(5):055021.
- Garr Barry V, Chiang JL, Bowman KG, Johnson KD, Gower BA. Bioimpedance-Derived Membrane Capacitance: Clinically Relevant Sources of Variability, Precision, and Reliability. Int J Environ Res Public Health. 30 déc 2022;20(1):686.
- Barry VG, Peterson CM, Gower BA. Membrane Capacitance from A Bioimpedance Approach: Associations with Insulin Resistance in Relatively Healthy Adults. Obesity (Silver Spring). nov 2020;28(11):2184‑91.