L’insuffisance rénale est une pathologie qui se caractérise par une diminution progressive de la capacité de la filtration du rein (1). Au début, la prise en charge thérapeutique a pour but de maintenir la fonction rénale cependant, à terme, la dégradation de cette dernière devient tellement importante qu’il est nécessaire de la compenser par des protocoles de dialyse (2) ou par une transplantation rénale (1). Une des principales conséquences de l’insuffisance rénale est une augmentation importante du volume hydrique, notamment en extracellulaire (3). L’objectif de la dialyse est de remplacer le rein en filtrant le sang et en prélevant le surplus en eau qui ne peut être éliminé normalement par voie rénale, par conséquent il est donc nécessaire de pouvoir 1) détecter un volume hydrique trop élevé et/ou un déséquilibre hydrique et 2) de calculer précisément le volume d’eau à prélever au cours de la dialyse. Dans ce contexte, la bioimpédancemétrie constitue donc un outil pertinent pour le suivi hydrique au cours de la dialyse (4), une utilisation qui sera étudiée dans cette étude de cas.
Sexe | Femme |
Age | 82 ans |
Taille | 158 cm |
Poids | 52,10 kg |
IMC | 20,07 kg/m2 |
Pathologies | Insuffisance rénale |
Dans un premier temps, nous pouvons bien observer que cette patiente présente un volume d’eau en surplus égal à 2,37 L, ce qui a amené la décision de réaliser la dialyse et malgré un équilibre hydrique qui semble normal. Nous pouvons également observer que cette patient possède un déficit en masse grasse de 4,80 kg et une masse musculaire squelettique supérieure de 200 g par rapport à sa référence. Considérant l’âge et la pathologie de cette patiente, ces valeurs semblent cohérentes avec un potentiel état de dénutrition modérée qui est observé chez les patients atteints d’insuffisance rénale (5).
Comme évoqué précédemment, cette patiente présente un volume d’eau totale de 32,27 L, soit un volume supplémentaire de 2,40 L, ce qui correspond à un taux d’hydratation de la masse hors graisse de 79,18%, soit une masse hors graisse extrêmement surhydratée. Nous observons également un surplus de 2,37 L si l’on considère l’hydratation hors graisse, confirmant ainsi la présence d’un volume hydrique trop élevé chez cette patiente. La faible différence observée entre les deux valeurs s’explique notamment par son faible taux de masse grasse, car l’hydratation hors graisse correspond au volume d’eau total auquel l’eau contenue dans le tissu adipeux a été soustrait, soit environ 15% du volume d’eau total.
Si l’on s’intéresse à l’équilibre hydrique, nous pouvons observer que la majorité de l’eau se situe au niveau intracellulaire avec 59,61% du volume hydrique total alors que seulement 40,40 % de ce volume est situé dans l’espace extracellulaire. Ce résultat est confirmé par la mesure de l’équilibre hydrique hors-graisse où nous pouvons observer un volume hydrique plus élevé au niveau intra- et extra-cellulaire, avec une eau majoritairement intracellulaire.
Lors de l’analyse rapide, les données de masse grasse et de masse musculaire suggéraient une légère dénutrition chez cette patiente, ainsi afin de vérifier cette hypothèse, il est pertinent de s’intéresser à la masse cellulaire active, à la masse sèche hors graisse et à la masse grasse à hydratation constante. Bien que la masse hors graisse soit recommandée pour le dépistage de la dénutrition (6), la surhydratation, notamment intracellulaire, peut induire un biais dans l’interprétation des résultats. Dans ce cas, comme cette patiente présente une surhydratation intracellulaire importante, il est plus pertinent d’utiliser la masse cellulaire active qui prend en compte ce phénomène, permettant ainsi de vérifier qu’elle ne présente pas de dénutrition. Ici, cette patiente présente une masse cellulaire active supérieure d’1,59 kg par rapport à sa référence mais cette valeur pourrait être expliquée par la surhydratation cellulaire. Cependant, il semblerait que la masse cellulaire active soit suffisante à une hydratation normale, ce qui est en partie confirmé par la masse sèche hors graisse qui ne montre pas de réduction de la quantité totale de protéines et de minéraux. Ainsi, il semblerait que cette patiente ne présente pas de dénutrition. Toutefois, il est à noter que la masse grasse de cette patiente reste relativement basse par rapport à sa référence, ce qui pourrait être une conséquence de sa pathologie.
Le poids est un indicateur communément utilisé afin de vérifier le volume d’eau prélevé au cours de la dialyse, en partant du principe que la variation de poids est causée par les changements de volume d’eau. Ici, nous pouvons observer une perte de 2 kg de masse associée à un diminution de l’eau totale de 2,7 L. Ces différences peuvent être expliquées par plusieurs paramètres :
Malgré ces différences, nous pouvons voir que les variations observées de ces deux paramètres vont dans la même direction avec des amplitudes similaires, cependant ils mettent en évidence qu’il est nécessaire d’effectuer des mesures chez des individus dans un état physiologique stable. Dans le cas présent, il faudrait attendre une dizaine de minutes post-dialyse afin d’effectuer la mesure.
Au niveau de l’hydratation, nous pouvons observer que le volume d’eau total de 29,58 L et une hydratation de la masse hors graisse de 76,80 %, indiquant que le volume d’eau prélevé serait insuffisant pour revenir à un état d’hydratation normal. Cette observation est confirmée par l’hydratation hors graisse, qui reste supérieure de 3,5% par rapport à un taux d’hydratation idéal.
L’équilibre hydrique montre que les 2,7 L d’eau prélevés au cours de la dialyse sont composés de 1,35 L d’eau extracellulaire et de 1,33 L d’eau intracellulaire et, si nous analysons l’équilibre hydrique hors graisse, nous pouvons observer un retour à l’équilibre au niveau extracellulaire mais que la surhydratation intracellulaire se maintient. Ainsi, il semblerait que le volume de dialyse ait été calculé à partir du volume extracellulaire, permettant ainsi un retour à l’équilibre dans cet espace mais pas dans l’espace intracellulaire. Ceci peut être expliqué par le fait que les techniques utilisées classiquement pour suivre l’état hydrique mesurent spécifiquement le compartiment extracellulaire (4), omettant ainsi l’espace intracellulaire. Par conséquent, dans le cas de cette patiente, le retour à la normale au niveau extracellulaire associé à la régulation physiologique de la régulation hydrique maintient une partie de l’eau dans l’espace intracellulaire, et donc une surhydratation.
Cet étude de cas confirment que la mesure de bioimpédancemétrie est pertinente dans l’évaluation du volume de dialyse et dans la vérification de l’état d’hydratation des individus post-dialyse, notamment au niveau de l’équilibre entre les espaces intra- et extracellulaires. Cependant, il reste nécessaire de respecter les conditions standards de mesure et donc de les effectuer chez des individus dans un état physiologique stable, notamment après le protocole de dialyse.