Récemment, l’intestin et le microbiote intestinal ont subi un regain d’intérêt considérant leurs influences dans le fonctionnement de l’organisme et sur l’état de santé des individus. Dans cet article, nous aborderons les bases du fonctionnement de l’intestin et du microbiote ainsi que les conséquences des modifications de ce dernier sur l’état de santé des individus. Nous aborderons également comment l’alimentation et l’exercice physique sont capables d’influencer le fonctionnement du microbiote intestinal.
L’intestin est un organe dont la fonction est vitale pour le corps humain puisqu’il est responsable de l’absorption des différents nutriments utilisés pour le fonctionnent de l’organisme, notamment grâce à son anatomie particulière. En effet, l’intestin est un tube dont les parois sont composées de :
Il contient également des neurones formant le système nerveux entérique, avec un nombre suffisamment élevé pour qu’on le qualifie de « deuxième cerveau » et dont le rôle principal est de contrôler les mouvements de l’intestin1 et de l’activité des cellules immunitaires de l’intestin2.
Plusieurs pathologies intestinales dont le syndrome de l’intestin irritable ou encore les maladies intestinales inflammatoires sont la conséquence d’un dérèglement du fonctionnement du système nerveux entérique et des cellules du système immunitaire2. Les principaux symptômes de ces pathologies sont des douleurs abdominales, des diarrhées ou de la constipation ainsi que des ballonnements et des nausées. De nombreuses recherches récentes montrent que le microbiote intestinal serait également impliqué dans le développement de ces pathologies3.
Le microbiote intestinal correspond à l’ensemble des bactéries qui vivent en symbiose avec les cellules de notre intestin. Contrairement à d’autres bactéries, elles ne sont pas pathogènes, i.e. ne sont pas responsables d’infections, et elles sont même indispensables au fonctionnement normal de notre intestin et de notre organisme. La population du microbiote est complexe et comprend un grand nombre d’espèces de bactéries dont une partie n’est pas encore connue et dont certaines sont plus représentées que d’autres, comme les Bacteroidetes et les Firmicutes par exemple.
La diversité des espèces de bactéries au sein du microbiote est un élément indispensable pour la santé des individus et il a été observé qu’une faible diversité de bactéries était responsable d’une inflammation systémique, participant à la physiopathologie de nombreuses pathologies chroniques dont des maladies cérébrales4 ainsi que des maladies cardiovasculaires et/ou métaboliques5,6. De plus, il semblerait que maintenir une diversité importante de bactéries au sein du microbiote permette un vieillissement sain associé à une diminution des risques liés à la fragilité7.
Etant donné que l’intestin constitue une barrière de protection pour éviter l’entrée d’agents pathogènes dans le corps humain, il est légitime de se demander comment est-il possible que le microbiote puisse avoir autant d’influence sur des pathologies systémiques. Les bactéries du microbiote ne sont pas inactives métaboliquement et elles produisent des molécules qui vont directement interagir avec les cellules de l’intestin pour influencer leur activité. Parmi ces molécules, certaines sont des neurotransmetteurs qui vont se fixer sur les neurones du système nerveux entérique qui, en réponse, modifie leur activité et donc celle du système nerveux autonome et du système nerveux central. Ces interactions ne sont pas anodines puisqu’il a été démontré qu’une altération de l’activité du microbiote était responsable de changements dans l’humeur, d’une augmentation du stress et de l’anxiété et d’une diminution des capacités cognitives3. En plus de cela, les bactéries du microbiote sont également capables de digérer les fibres alimentaires produisant des molécules qui sont utiles pour l’organisme dont des acides gras à chaines courtes (AGCC) impliqués dans la fonction intestinale8, l’activité du système immunitaire9, la régulation de la pression artérielle10 et le rythme circadien11.
Dans certaines conditions, la population du microbiote peut changer et modifier l’environnement intestinal résultant en un état appelé dysbiose qui se caractérise notamment par une élévation de la perméabilité de la paroi intestinale. Par conséquent, de nombreuses molécules pathogènes vont traverser la paroi et entrer dans l’organisme activant les cellules du système immunitaire situées dans l’intestin. De plus, une partie de ces molécules transitent également dans la circulation sanguine et activer les cellules immunitaires contenues dans le sang. Comme lors d’une infection, ces cellules du système immunitaire activées sécrètent des molécules pro-inflammatoires créant une inflammation de bas grade au niveau systémique. L’inflammation est un processus normal lorsque celle-ci est élevée transitoirement. Cependant lorsque celle-ci est élevée constamment, elle devient délétère pour l’organisme et participe à de nombreux mécanismes physiopathologiques favorisant l’apparition de nombreuses maladies chroniques.
Une dysbiose peut apparaître au moment où une population marginale de bactéries profite d’un changement transitoire et/ou durable de l’environnement intestinal pour se développer par rapport aux populations de bactéries qui étaient dominantes12. Par exemple, une cure d’antibiotique ou une alimentation déséquilibrée sont deux événements favorisant le développement de bactéries responsables d’une dysbiose alors que dans des conditions normales, ces bactéries n’auraient pas la capacité de croître. En effet, dans des conditions environnementales normales, une partie des AGCC produits par les bactéries du microbiote est oxydée par les cellules de l’intestin, réduisant drastiquement la quantité en oxygène présente dans la lumière intestinale. Cette dernière devient donc totalement hypoxique limitant le développement de population de bactéries exclusivement anaérobies qui produisent des AGCC via leur métabolisme9, établissant un état de symbiose entre la paroi intestinale et le microbiote. Comme explicité précédemment, lors de changements d’environnement, il est possible que des bactéries ne produisant pas d’AGCC se développent au détriment des bactéries préexistantes. Par conséquent, les cellules de l’intestin ne vont plus oxyder d’AGCC et le tube intestinal contiendra à nouveau de l’oxygène ce qui permettra à d’autres bactéries de se développer. L’absence d’AGCC active les cellules du système immunitaire qui vont alors sécréter des molécules pro-inflammatoires et ainsi établir une inflammation de bas grade au niveau de l’intestin9. Progressivement, la perméabilité intestinale augmente et permet l’entrée de molécules bactériennes pro-inflammatoires dans la circulation sanguine.
Il est donc primordial de maintenir un environnement intestinal sain pour avoir un microbiote le plus divers et le plus sain possible.
Plusieurs événements ponctuels peuvent modifier les conditions environnementales de la lumière intestinale mais, à long terme, les deux paramètres les plus influents sont l’alimentation, notamment les prébiotiques et les probiotiques, et l’exercice physique.
Les prébiotiques correspondent aux différentes molécules contenues dans l’alimentation qui sont utilisées par les bactéries pour leur métabolisme et qui ont un bénéfice pour la santé13. Ces substances sont présentes dans les fibres alimentaires contenues les aliments contenant de la farine complète, les fruits, les légumes et les céréales et elles favorisent le développement de population de bactéries anaérobies produisant des AGCC14-17. Une diminution de l’apport en prébiotiques réduit donc la capacité des bactéries à produire des molécules bénéfiques pour notre organisme ce qui augmente l’incidence des maladies inflammatoires, de l’obésité, des syndromes métaboliques ainsi que l’anxiété et le stress chronique. A l’inverse, une supplémentation en prébiotiques a de nombreux bénéfices dont une réduction du stress chronique, de l’anxiété et une augmentation de la plasticité cérébrale3.
Les probiotiques, quant à eux, ne sont pas des molécules contenues dans les aliments mais des bactéries qui procurent un bénéfice pour la santé lorsqu’elles sont ingérées en quantité suffisante18. Ils se trouvent majoritairement dans les aliments fermentés, e.g. le chou mariné comme la choucroute ou le kimchi coréen, les yaourts ou encore le kéfir et la kombucha avec des effets similaires aux prébiotiques : amélioration du métabolisme, de l’immunité et de la fonction endocrine ainsi qu’un ralentissement du vieillissement cellulaire19,20.
Par conséquent, le régime alimentaire doit être adapté pour apporter suffisamment de prébiotiques et/ou de probiotiques au microbiote intestinal pour son fonctionnement. En plus de la qualité, la quantité ingérée d’aliments semble également importante pour le maintien d’un microbiote sain car une légère restriction calorique sur une période courte, voire tout au long de la vie, favorise l’augmentation de bactéries de type Lactobacillus qui sont associées à une augmentation de l’espérance de vie21. Plusieurs études se sont donc intéressées aux conséquences de plusieurs régimes alimentaires sur le microbiote dont le régime occidental (« Western diet ») et le régime méditerranéen :
La composition en nutriments de l’apport alimentaire est importante pour le fonctionnement normal de l’organisme mais elle l’est également pour la qualité du microbiote intestinal, il est donc intéressant de connaître les effets de chaque macronutriment sur l’environnement et le microbiote intestinal :
Par conséquent, il semblerait qu’une alimentation avec une grande proportion de glucides complexes, de légumes/fruits, de protéines végétales et d’AG mono- et polyinsaturés soit la plus bénéfique pour le microbiote intestinal.
Le second paramètre influençant le microbiote intestinal est l’exercice physique qui est déjà connu pour avoir de nombreux bénéfices directs sur le système cardiovasculaire28 et musculosquelettiques29. Il semblerait que l’exercice favorise également la diversité des bactéries au sein du microbiote intestinal30, indépendamment de la qualité du régime alimentaire des individus et de leur statut clinique, i.e. sains ou atteints d’une pathologie chronique. Ces effets bénéfiques sont observables à long terme et sont donc reliés à de l’exercice physique modéré ou intense réalisé régulièrement. Cela est particulièrement intéressant dans des populations de patients atteints de pathologies chroniques où une élévation de la qualité du microbiote intestinal était associée à une amélioration de l’état clinique des patients, renforçant l’utilité de l’exercice physique dans la prise en charge de ces pathologies.
Le microbiote intestinal est un acteur majeur dans la santé des individus du fait de ses fonctions dans la régulation de la fonction intestinale et du système immunitaire qui sont liées à la diversité de la population composant ce microbiote intestinal. Si cette diversité n’est pas maintenue au cours du temps, le microbiote intestinal devient une source importante de molécules pro-inflammatoires provoquant une inflammation locale et contribuant à de nombreuses pathologies chroniques. Il est donc nécessaire de maintenir un microbiote de qualité par l’alimentation et l’exercice physique, deux événements influençant grandement sa composition. D’après la littérature scientifique, une alimentation avec une grande proportion de glucides complexes, de légumes/fruits, de protéines végétales et d’AG mono- et polyinsaturés ainsi qu’un exercice physique régulier d’intensité modérée et/ou intense serait le plus bénéfique pour le microbiote intestinal.