Etude de cas – Prise en charge nutritionnelle incluant le régime cétogène et le jeûne chez un homme en obésité

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Le régime cétogène est un régime qui se caractérise par un apport en lipides élevé (70-80% des apports) associé à un apport en glucides réduit (5-10%) et un apport en protéines normal (15-20%)(1). Bien que connu et utilisé depuis longtemps dans le traitement de l’épilepsie(2), il a subi un regain d’intérêt dans la prise en charge de l’obésité à la fois par sa capacité à diminuer rapidement la masse grasse (MG) mais aussi pour ses bénéfices au niveau métabolique et cardiovasculaire. En effet, dans une récente méta-analyse, Choi et al. (3) ont montré que le régime cétogène permettait une amélioration du contrôle de la glycémie ainsi qu’une amélioration du profil lipidique chez des patients en obésité, avec ou sans un diabète de type II. Ces bénéfices seraient expliqués par deux mécanismes principaux(1):

  • La réduction très importante des apports en glucides provoque une diminution de l’insulinémie permettant ainsi de d’augmenter la sensibilité à l’insuline des cellules.
  • L’augmentation très importante de la cétogenèse et une réactivation de la lipolyse qui permettent une consommation plus importante des triglycérides du tissu adipeux pour produire 1) de l’énergie à partir des acides gras et 2) des corps cétoniques qui remplacent le glucose dans plusieurs organes.

Malgré des effets bénéfiques très importants, plusieurs limites semblent être présentes dans ce régime notamment une possible surcharge lipidique au niveau plasmatique et une difficulté à maintenir ce régime dans le temps (2). De plus, il semblerait également que la qualité des lipides soit également importante dans les effets de ce régime cétogène. Cependant, ces données suggèrent qu’utiliser ce régime puisse être intéressant ponctuellement afin d’induire une perte de masse grasse et une amélioration du métabolisme, avant d’établir des habitudes hygiéno-diététiques pérennes.

Une autre approche ayant subi un regain d’intérêt est le jeûne qui peut être pratiqué sous plusieurs formes, allant d’un jeûne intermittent, où la prise alimentaire est limité à 4-8h dans la journée, au jeûne sec ou hydrique. D’un point de vue physiologique, le jeûne a de nombreux bénéfices au niveau métabolique mais aussi dans la qualité des cellules du corps humains par sa capacité à activer l’autophagie, un phénomène biologique impliqué dans le renouvellement cellulaire (4). Parmi les effets bénéfiques du jeûne au niveau métabolique, nous pouvons observer une augmentation de la sensibilité à l’insuline, une diminution de la production d’insuline par le pancréas ainsi qu’une augmentation de la lipolyse (5). Par conséquent, le jeûne possède des effets similaires au régime cétogène et les deux semblent être des approches complémentaires dans la prise en charge nutritionnelle des personnes en obésité.

Dans cette étude de cas, nous vous proposons d’étudier la prise en charge nutritionnelle d’un patient en obésité mêlant régime cétogène, jeûne et modifications du mode de vie.

SexeHomme
Âge48 ans
Taille177 cm
Poids126,7 kg
IMC40,4 kg/m2
Tour de taille102 cm
PathologiesObésité

Caractéristiques du patient

Au niveau sanguin, ce patient présentait un bon profil de cholestérol cependant la concentration en CRP était de 1,55 mg/L et en ferritine de 338 µg/L, indiquant une inflammation de bas grade et une surcharge en fer, respectivement. Ce patient présentait également une hypertension artérielle qui est traitée par une prise en charge médicamenteuse.

En plus de cela, il possédait un mode de vie favorisant sa pathologie, caractérisée par une sédentarité importante, une alimentation déséquilibrée, une mauvaise hydratation, associées à une consommation quotidienne importante de sodas et à un sommeil de mauvaise qualité.

Analyse rapide

L’analyse rapide des résultats montrent que cette personne possède un surplus de MG de 14,43 kg par rapport à sa référence ainsi qu’une masse musculaire squelettique (MMS) supérieure de 17,83 kg. Les indices de MMS et de masse osseuse (MO) confirment que ces deux paramètres sont élevés chez ce patient et qu’ils sont suffisants pour soutenir le surplus de MG, ce qui est confirmé par les indices de charge en muscle et de charge totale. Ces résultats suggèrent également que la MMS et la MO sont suffisantes pour faciliter la mise en place d’une activité physique adaptée dans la prise en charge. De manière surprenante, il est intéressant de noter que ce patient possède une hydratation proche d’une hydratation parfaite ce qui contraste avec les valeurs obtenues chez des individus avec un IMC comparable. Enfin, l’angle de phase de ce patient est élevé et pourrait être interprété comme un signe de bonne qualité cellulaire cependant, il faut prendre en compte que l’angle de phase est étroitement relié à la quantité totale de cellules au sein de l’organisme, qui est très élevée chez les patients en obésité. Ainsi, il a déjà été montré des angles de phase élevés chez des personnes en obésité (6) donc il est difficile d’utiliser ce paramètre ponctuellement pour une évaluation de la qualité cellulaire chez ces patients. Il reste tout de même intéressant à utiliser dans le suivi de l’état général des patients et surveiller une éventuelle dégradation de l’état clinique des patients.

Masse grasse à hydratation constante, masse musculaire squelettique totale et des membres

L’analyse des différentes tuiles MG à hydratation constante, MMS et MMS des membres (ASMM) confirment les observations de l’analyse rapide. En effet, le patient possède une MG de 40,64 kg, donnant un pourcentage de masse grasse de 32% ainsi qu’une MMS de 48,35 kg résultant en un rapport sur la MHG de 56,18 %.

Ce rapport confirme que la MMS est une part très importante de la masse hors graisse et qu’elle est suffisante pour assurer une activité physique adaptée. Ce résultat est également renforcé par l’ASMM qui est très élevée et qui suggère une MMS squelettique importante dans les jambes, facilitant ainsi la réalisation d’un exercice physique.

Caractéristiques du patient

Le contenu minéral osseux (CMO) correspond à la quantité de minéraux au sein des os et constitue un indicateur de la masse osseuse. Chez ce patient, nous pouvons observer un CMO très élevé par rapport à sa référence indiquant qu’il possède une masse osseuse suffisante pour soutenir l’ensemble de la MMS et de la MG. De plus, ce paramètre suggère également que la masse osseuse sera suffisante pour soutenir l’augmentation des contraintes mécaniques liées à un exercice et donc qu’il peut être capable de soutenir des exercices d’intensité plus élevée que la marche ou la natation, comme des exercices en résistance de type crosstraining/crossfit et de musculation.

La masse sèche hors graisse est un paramètre qui correspond à l’ensemble des protéines et des minéraux contenus dans l’organisme, il constitue donc un paramètre complémentaire à la MMS, l’ASMM et au CMO. Bien qu’il soit moins pertinent lors d’une évaluation ponctuelle, il est un marqueur très utile dans le suivi des trois paramètres précédemment cités car il permet de confirmer qu’une modification de la MMS, de l’ASMM ou du CMO est liée à un changement du contenu en protéines et/ou minéraux. Ici, la valeur de masse sèche hors graisse élevée est donc cohérente avec la MMS et le CMO observés.

Hydratation

Ce patient présente également une hydratation presque parfaite, contrastant avec les résultats généralement obtenus chez les personnes en obésité, qui présentent une déshydratation chronique(7). Nous pouvons également observer que l’équilibre hydrique total et hydrique sont maintenus, malgré une légère surhydratation intracellulaire. Ces résultats indiquent que malgré des apports hydriques altérées et une hypertension artérielle, il semble que l’hydratation tissulaire de ce patient soit normale.

Description de la prise en charge

D’un point de vue nutritionnel, la prise en charge proposée comprenait :

  • Un régime cétogène sur les premiers mois de prise en charge puis un passage sur un régime méditerranéen en alternance avec des périodes de cétose. Les deux régimes ont été associés à du jeûne intermittent afin de créer un déficit calorique et initier la perte de poids.
    L’objectif de l’association des deux est de garder les bénéfices physiologiques des deux approches, permettant ainsi une flexibilité métabolique, tout en permettant un déficit calorique à l’origine de la perte de poids.
  • Un retour à l’activité physique commençant par de la marche puis en salle de sport (musculation/exercice aérobie).
  • Une amélioration de l’hydratation par un remplacement du soda par l’eau au quotidien.
  • Une amélioration de la qualité du sommeil, notamment par un coucher plus tôt.

Résultats de la prise en charge

À la suite d’un an de prise en charge, le patient a perdu 32 kg de masse corporelle et 26 cm de tour de taille. Au niveau sanguin, les résultats montrent que l’inflammation de bas grade a disparu, qu’il y a une absence de LDL oxydés et un profil de cholestérol normal. De plus, la régulation glycémique a été améliorée par une augmentation de la sensibilité à l’insuline et une diminution de l’insulinémie, traduisant une réduction importante de la résistance à l’insuline. Enfin, la ferritinémie a également été diminuée, malgré des valeurs encore plus élevées que la normale, qui suggèrent une amélioration du métabolisme du fer.

Au niveau de la prise en charge, le régime méditerranéen associé à du jeûne intermittent ainsi que des périodes de cétose sont maintenus, de la même manière que les habitudes de vie prises au niveau de l’activité physique et du sommeil.

Masse grasse à hydratation constante

Après un an de prise en charge, le patient a perdu 17,76 kg de masse grasse, le faisant passer de 31,92 à 24,26% de masse grasse.

Masse musculaire squelettique totale, masse musculaire squelettique des membres

Nous pouvons observer qu’au cours de l’année, le patient a perdu 8,72 kg de MMS et 6,62 kg d’ASMM. Bien que ces pertes paraissent importantes, elles peuvent provenir d’une perte d’eau plutôt que d’une perte de protéines contractiles, ce qui peut être vérifié par la masse sèche hors graisse. Malgré cette perte, si l’on considère le rapport de la MMS sur la masse hors graisse ainsi que l’ASMI, il semble que la MMS du patient soit encore suffisante pour lui permettre d’assurer les activités de la vie quotidienne.

Masse sèche hors graisse et contenu minéral osseux

Entre les deux mesures, la perte de masse sèche hors graisse a été de 4,14 kg et celle du CMO de 230 g. Si l’on considère la perte de MMS avec la diminution de la masse sèche hors graisse, il semblerait donc que la prise en charge ait diminué les protéines contractiles de la MMS de 4 kg environ.

Cette perte peut avoir deux origines : un apport insuffisant en protéines par l’alimentation et/ou un retour à une masse musculaire adaptée à la masse corporelle totale. En effet, l’augmentation de la masse musculaire présente chez les personnes atteintes d’obésité est étroitement liée au surplus de masse corporelle totale. En effet d’une manière fonctionnelle, le muscle squelettique résiste aux contraintes mécaniques par une production de force suffisante pour éviter une tension trop importante sur la membrane des fibres musculaires. Par conséquent, une augmentation des contraintes sur la membrane du muscle signifie que la force produite par le muscle n’est pas suffisante. Physiologiquement, cela active la synthèse protéique musculaire pour augmenter sa masse et donc sa force et, dans le cadre de l’obésité, ce mécanisme physiologique normal est responsable de la masse musculaire élevée chez ces sujets. La perte de MMS peut donc être expliquée par la diminution des contraintes mécaniques appliquées au muscle squelettique qui diminue légèrement la synthèse protéique, et donc la masse protéique intramusculaire.

La légère perte de CMO peut également être expliquée par cette diminution des contraintes mécaniques appliquées au squelette, réduisant la synthèse de minéraux au niveau osseux permettant à une nouvelle valeur normale.

Hydratation

L’hydratation hors graisse est également maintenue après la perte de poids même si l’on peut observer une perte d’eau totale et d’eau hors graisse de 10,20 L et de 7,57 L respectivement. La perte d’eau totale entre les deux points s’explique notamment par la diminution de la quantité de lipides dans la MG et de protéines dans la MMS qui entraine une perte hydrique.

Nous pouvons également observer que les équilibres hydriques total et hors graisse se maintiennent à la suite à la prise en charge. Si l’on considère ces résultats avec les modifications nutritionnelles et l’amélioration de la santé cardiovasculaire, il semble que cette prise en charge ait permis de créer un environnement physiologique protecteur face au développement de complications cardiovasculaires présentes communément chez les patients en obésité(8).

Angle de phase

Malgré une légère baisse, l’angle de phase reste élevé à la suite de la prise en charge passant de 7,7° à 7,2°. Si l’on met en relation ce changement avec la perte de masse corporelle, l’angle de phase s’est relativement maintenu malgré la perte importante de masse cellulaire. Ainsi, ce résultat indique que la prise en charge aurait donc amélioré la qualité cellulaire, ce qui est confirmé par la réduction de l’inflammation et de l’insulino-résistance.

Conclusion

En conclusion, les données de bioimpédancemétrie obtenues au cours de la prise en charge de ce patient montrent qu’une prise en charge nutritionnelle associant régime cétogène/méditerranéen, jeûne intermittent, une activité physique adaptée et un sommeil de meilleure qualité permet une amélioration importante de la composition corporelle chez ce patient en obésité. De plus, les résultats sanguins indiquent également des bénéfices importants de cette prise en charge sur l’inflammation et le métabolisme de l’insuline.

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