Nouvelle approche de l’obésité : la BIA comme clé du diagnostic et du suivi

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Introduction à la nouvelle approche de l’obésité : Résultats d’une commission d’experts

Le 14 janvier 2025, les résultats d’une commission composée de médecins spécialistes et de chercheurs ont été publiés dans le Lancet Diabetology & Endocrinology dont l’objectif était de repenser le cadre de pensée et de prise en charge de l’obésité1. Mondialement, l’Organisation Mondiale de la Santé rapporte, qu’en 2022, 1 personne sur 8 est en obésité, dont 890 millions d’adultes et 160 millions d’enfants et d’adolescents. Depuis 1990, le nombre d’adultes en obésité a doublé alors que celui des enfants et adolescents a quadruplé amenant l’obésité à devenir un problème de santé publique majeur au niveau mondial. En effet l’obésité est associée à de nombreuses complications cliniques plus ou moins graves altérant significativement leur état de santé et leur qualité de vie ainsi qu’une pression non négligeable sur les systèmes de santé nationaux2.

Une nouvelle définition de l’obésité : au-delà de l’IMC

Le principal résultat de cette commission est de proposer une nouvelle définition qui redéfinit le cadre de pensée et de prise en charge de l’obésité car jusqu’ici, celle-ci était définie uniquement comme un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m². Cependant, elle ne prenait pas en compte la composition corporelle des individus, ainsi des personnes saines possédant des IMC supérieurs à 30 kg/m² mais avec une masse musculaire élevée et une masse grasse normale ou légèrement élevée étaient considérés comme obésité. Cela pouvait notamment induire des mauvais diagnostics et/ou des conseils non adaptés à l’individu et pour éviter cela, cette commission a proposé que l’obésité soit définie comme un IMC supérieur à 30 kg/m² associé à un excès de masse grasse.

L’importance de la composition corporelle dans le diagnostic de l’obésité

Concrètement, cela signifie qu’il devient nécessaire d’évaluer la masse grasse directement ou indirectement afin d’établir un diagnostic de l’obésité, en mesurant un excès de masse grasse, ainsi que pour le suivi lors de la prise en charge. Pour la mesure directe, il est recommandé d’utiliser l’absorptiométrie bi-photonique à rayons X, ou DEXA, et/ou la bioimpédancemétrie. La mesure indirecte consiste en une mesure anthropométrique telle que le tour de taille, si la mesure directe est impossible. Il est également recommandé d’utiliser une mesure directe de la masse grasse lors de la prise en charge afin de 1) d’orienter celle-ci en fonction des besoins et capacités de chaque patient et 2) d’en évaluer les effets sur la composition corporelle.

Deux catégories d’obésité : pré-clinique et clinique

En plus de cette nouvelle définition diagnostique, la commission propose également de diviser les personnes en obésité selon deux catégories : l’obésité pré-clinique et l’obésité clinique. La première se définit comme un IMC supérieur à 30 kg/m² associé à un excès de masse grasse sans complications cliniques/dysfonctions organiques, ou avec des dysfonctions dont la cause est l’excès de masse grasse. Par exemple, l’hypothyroïdie est une maladie qui a pour conséquence une absence de consommation des lipides du tissu adipeux par l’organisme, provoquant de facto un excès de masse grasse. Cependant, dans cet exemple, l’hypothyroïdie est la cause de l’excès de masse grasse et donc de l’obésité, la plaçant ainsi comme une obésité pré-clinique. Une obésité pré-clinique peut également se trouver chez des individus en obésité mais sans aucune dysfonction ou qui sont silencieuses et non-pathologiques. Ainsi, soit ces individus sont sains, soit ils présentent des prédispositions à l’obésité clinique qui peuvent être prises en charge par des modifications du mode de vie.

A l’inverse, l’obésité clinique se définit comme un IMC supérieur à 30 kg/m² associé à un excès de masse grasse, auquel il faut ajouter une ou plusieurs dysfonctions organiques dont la cause directe est cet excès en lipides. Parmi les dysfonctions les plus répandues, il est possible d’observer :

  • des altérations métaboliques responsables d’un diabète de type 2 ou d’une stéatose hépatique non alcoolique (parfois appelée foie gras).
  • des complications cardiovasculaires comme l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle ou encore des risques élevés d’accidents vasculaires cérébraux.
  • des troubles musculosquelettiques tels que l’arthrite osseuse ou encore une dysfonction musculaire pouvant causer une obésité sarcopénique.

Les complications cliniques associées à l’obésité clinique

Ces troubles présents chez les personnes en obésité sont connus et décrits dans la littérature2-4, cependant ils étaient considérés de manière indépendante de l’excès de masse grasse lors de la prise en charge thérapeutique. La dissociation entre ces deux événements a pour conséquence que les complications cliniques sont traitées, souvent pharmacologiquement, sans considérer les causes pour les intégrer au traitement. Par conséquent, cette nouvelle définition permet de modifier le paradigme de prise en charge en prenant l’individu dans son ensemble et donc d’imaginer des thérapies ciblant spécifiquement ces complications cliniques tout en travaillant sur des modifications durables du mode de vie (5). Ces dernières ont généralement pour but de 1) de diminuer la masse grasse et donc ses effets délétères sur la santé et 2) d’établir des habitudes de vie durables pour maintenir un bon état de santé à long terme, notamment la perte de masse grasse et le gain/maintien de la masse musculaire. Les deux méthodes communément utilisées pour cela sont l’activité physique et la nutrition car ce sont des interventions puissantes pour moduler ces deux compartiments6-8.

L’importance de prendre en compte la composition corporelle dans le traitement des complications de l’obésité

Sur le terrain, l’utilisation des approches ciblant spécifiquement la composition corporelle amène un besoin de techniques permettant de l’évaluer pour 1) orienter précisément la prise en charge et 2) évaluer ces effets au cours du temps et de l’ajuster, de la même manière qu’un autre paramètre comme la pression artérielle. Pour cela, la bioimpédancemétrie constitue une technique pertinente par sa capacité à évaluer de manière rapide et non-invasive la composition corporelle des individus9-10.

La bioimpédancemétrie : un outil essentiel pour le suivi de l’obésité à long terme

Ainsi, dans le futur, elle va devenir un outil de plus en plus indispensable pour le suivi des patients en obésité au cours de leur prise en charge, dans le but d’améliorer leur santé et leur qualité de vie.

Références

  1. Rubino F, Cummings DE, Eckel RH, Cohen RV, Wilding JPH, Brown WA, et al. Definition and diagnostic criteria of clinical obesity. The Lancet Diabetes & Endocrinology. janv 2025;S2213858724003164. 
  2. Heymsfield SB, Wadden TA. Mechanisms, Pathophysiology, and Management of Obesity. N Engl J Med. 19 janv 2017;376(3):254‑66. 
  3. Forouhi NG. Embracing complexity: making sense of diet, nutrition, obesity and type 2 diabetes. Diabetologia. 14 févr 2023;66(5):786. 
  4. Patterson E, Ryan PM, Cryan JF, Dinan TG, Ross RP, Fitzgerald GF, et al. Gut microbiota, obesity and diabetes. Postgraduate Medical Journal. 1 mai 2016;92(1087):286‑300. 
  5. Kushner RF, Sorensen KW. Lifestyle medicine: the future of chronic disease management. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes. oct 2013;20(5):389‑95. 
  6. Damas F, Phillips S, Vechin FC, Ugrinowitsch C. A review of resistance training-induced changes in skeletal muscle protein synthesis and their contribution to hypertrophy. Sports Med. juin 2015;45(6):801‑7. 
  7. Pedersen BK, Saltin B. Exercise as medicine – evidence for prescribing exercise as therapy in 26 different chronic diseases. Scand J Med Sci Sports. déc 2015;25 Suppl 3:1‑72. 
  8. Cederholm T, Barazzoni R, Austin P, Ballmer P, Biolo G, Bischoff SC, et al. ESPEN guidelines on definitions and terminology of clinical nutrition. Clin Nutr. févr 2017;36(1):49‑64. 
  9. Mulasi U, Kuchnia AJ, Cole AJ, Earthman CP. Bioimpedance at the bedside: current applications, limitations, and opportunities. Nutr Clin Pract. avr 2015;30(2):180‑93. 10. Kyle UG, Bosaeus I, De Lorenzo AD, Deurenberg P, Elia M, Manuel Gómez J, et al. Bioelectrical impedance analysis-part II: utilization in clinical practice. Clin Nutr. déc 2004;23(6):1430‑53.

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